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La Musique Contemporaine s'invite dans les Collèges & Lycées

Édition 2021

L’édition 2020 était historique, l’édition 2021 est d’ores et déjà exceptionnelle. Organisé désormais par la Maison de la Musique Contemporaine, née de la fusion de Musique Nouvelle en Liberté (qui organisait le GPLC depuis 2013), du Centre de documentation de la musique contemporaine (partenaire pour la mise à disposition des partitions des pièces sélectionnées) et de Musique Française d’Aujourd’hui (soutien de nombre de disques sélectionnés et lauréats), le Grand Prix Lycéen des Compositeurs s’adapte.

D’abord à travers une sélection de très grande qualité, représentative de la création musicale dans toute sa vitalité. De l’héritage des formes classiques aux apports de l’avant-garde, de la grande formation aux nouvelles technologies, des écriture les plus précises aux libertés de l’improvisation en passant par la composition électroacoustique, des différents usages de la voix aux expressions les plus contrastées : tous ces univers sonores sont portés par des personnalités aux sensibilités marquées, aux expériences singulières et aux références musicales et culturelles brassant à la fois l’Antiquité et les grands horizons, la pulsation de l’instrument acoustique comme celle du beat électronique, la masse sonore comme le pointillisme feutré, la délicatesse expressive comme l’extravagance formelle. Une sélection qui donnera à entendre et à ressentir le bouillonnement créatif des compositeur·rice·s de plusieurs générations.

Cette sélection confirme la volonté du GPLC d’être en phase avec son époque. Pour autant, à l’image du milieu musical, le GPLC continue d’incarner un certain visage de la création et de la composition. Cette année encore, une seule femme sélectionnée. C’est trop peu et pourtant, depuis trois éditions, c’est désormais une chose acquise. Le pied est posé, il nous revient d’assurer le second afin de proposer une sélection véritablement paritaire dans un avenir proche. Un effort qu’il importe à chacun de faire : conservatoires, éditeurs, labels, porteurs de projets et diffuseurs...

Avec le soutien de nos partenaires et l’engagement des professeurs, toujours plus nombreux chaque année ; avec l’enthousiasme et l’ouverture des compositeur·rice·s, convaincu·e·s de la nécessité de replacer la création au cœur de la cité ; avec l’équipe de la MMC, forte des compétences et des énergies des trois anciennes structures ; l’avenir actuellement sombre pour la profession peut compter sur une volonté affirmée de poursuivre le travail de découverte, d’élargissement de l’écoute et de réflexion sur la création musicale que le GPLC porte dans son ADN et défend auprès des jeunes avec ferveur et passion depuis plus de 20 ans.

L'équipe du GPLC

 

Comité de sélection

 

Le Comité de sélection du 22ème Grand Prix Lycéen des Compositeurs s’est réuni le mardi 6 octobre 2020 dans les locaux de la Maison de la Musique Contemporaine ; il était composé de :

  • Jacques Bonnaure, journaliste 
  • Dominique Boutel,  journaliste et modératrice du débat de la Journée Nationale
  • Xavier Delette, chef d'orchestre, directeur du CRR de Paris
  • Clément Lebrun, musicologue
  • Séverine Leneveu, professeure de musique
  • Estelle Lowry, directrice de la Maison de la Musique Contemporaine
  • Arnaud Merlin, journaliste et producteur radio
  • Claudine Perret, professeure de musique
  • Noëmi Schindler, violoniste
  • Michèle Tosi, journaliste

 

La sélection

 

Textes de Didier Lamare

Sélection collège
Lauréat 2021

In Pulse

collège et lycée

Œuvre sélectionnée : In Pulse, pour saxophone alto, piano, contrebasse et batterie

Durée : 8'43

Année de composition : 2015

Création : Œuvre écrite pour le disque

Interprètes : Vincent David (saxophone), Sébastien Vichard (piano), Nicolas Crosse (contrebasse), Éric Échampard (batterie)

Disque : Pulse

Label : Klarthe (8314701121988)

Plage : 06

Partition : Éditions Gérard Billaudot / Voir la partition intégrale


« Tout le monde pousse le gars à tenir la pulse, à bien la garder, ça crie, les yeux hagards ; le gars est presque accroupi sur son sax, et il se lève pour redescendre ensuite en boucle, dans un cri clair qui couvre la fureur ambiante. » (Jack Kerouac, Sur la route).

Il y a des musiques assises, In Pulse est une musique debout. Impossible de lutter physiquement contre la « pulse », cette pulsation qui commence par une attaque en réunion, s’éparpille sur un champ de timbres avant de contaminer l’ensemble de la pièce et le quartet avec. Impossible de retenir le battement de pied, de réfréner la jouissance sonore qui secoue le corps, avec son riff irrésistible et son solo de sax hero comme il y a, ailleurs, des guitar heroes.

Difficile d’ailleurs de concevoir que dans cette version à quatre d’une pièce pour saxophone solo, tout est écrit. C’est la vertu d’une musique de compositeur-instrumentiste : saxophoniste, Vincent David est l’interprète des compositeurs de son siècle, de Boulez à Mantovani ; compositeur, il danse sur le fil frontière entre l’écriture et l’improvisation, combinant les modes de jeu du jazz et du contemporain, avec le privilège d’inventer une liberté que l’on peut renouveler et transmettre.

Au climax de la pièce, dans les saturations harmoniques, les grains du piano et le vrombissement de la contrebasse, In Pulse métamorphose saxophone et batterie en une chimère rythmique à têtes multiples. À se demander qui, du jazz et de la contemporaine, est le miroir de l’autre ?

Vincent David (1974)

Vincent David est l’un des saxophonistes-compositeurs les plus reconnus au monde tant il développe les capacités musicales de son instrument. Ayant remporté trois prix internationaux lors de ses études, il est un musicien accompli et complet.

Compositeur et chef d’orchestre, il participe au développement du répertoire de son instrument avec des pièces pour saxophone solo, des sonates avec piano et des concertos pour des formations à géométrie variable.

Il est aussi actif dans les musiques improvisées (jazz) et contemporaines, à travers des rencontres avec des musiciens comme Pierrick Pedron, Christophe Monniot, Jean-Charles Richard, donnant parfois lieu à des enregistrements. Il a fondé le Quatuor Fireworks avec Jean-Charles Richard, Stéphane Guillaume et Baptiste Herbin.

Ses œuvres sont publiées par les Éditions Billaudot.

Off The Page

collège et lycée

Œuvre sélectionnée : Off The Page, pièce électroacoustique

Durée : 9'

Année de composition : 2020

Création : Œuvre composée pour le disque

Interprète : Bérangère Maximin

Disque : Land of Waves

Label : Karlrecords (KR078)

Plage : 06


« Et toi, que manges-tu, grouillant ? — Je mange le velu qui digère le pulpeux qui ronge le rampant. Et toi, rampant, que manges-tu ? — Je dévore le trottinant qui bâfre l’ailé qui croque le flottant. » (Norge, La Faune)

Depuis que Pierre Schaeffer en a réglementé l’appellation d’origine, l’électroacoustique souffre d’une confusion des étiquettes. Musique de sons « concrets » diffusés sur haut-parleurs, elle s’oppose à « l’abstrait » de la partition instrumentale, mais Schaeffer imposait en retour son écoute « réduite », détachée de l’origine des sons, libérée de leur pouvoir d’évocation. En refusant cette mission impossible, en ne choisissant pas non plus entre le tranchant des pionniers et l’hédonisme des musiques actuelles, Bérengère Maximin se sent libre comme un animal dans la jungle sonore. Oui, il y aura, sur son territoire des ondes, de la fabrication synthétique en studio et de la nature enregistrée à la périphérie des villes, du vivant, du béton, du danger, des évocations viscérales et de l’architecture contrôlée.

Off The Page ? L’essentiel pourtant de son album s’y concentre dans la profondeur de champ stéréo : les insectes, les oiseaux, la nature batracienne et les friches industrielles ; les matières aussi, brillantes, fêlées, réverbérées ou craquantes ; de grandes respirations et des étouffements soudains, des sensations de palpitation et des odeurs de brûlé ; et puis du mouvement – zoom, travelling sur un paysage acoustique où les objets sonores circulent, accélèrent, se percutent. L’écoute microscopique n’exclut pas l’intensité du plaisir.

Bérangère Maximin (1976)

Bérangère Maximin passe son enfance sur l’Île de la Réunion et s’installe en métropole avec sa famille en 1991. Après un bac musical, elle entre dans la classe de composition acousmatique de Denis Dufour au CNR de Perpignan, au côté duquel elle enchaîne les expériences professionnelles dans l’organisation de concerts. Elle est également assistante à la direction de Motus, structure parisienne de production de concerts sur acousmonium et d’édition musicale, ainsi que du festival international drômois Futura, puis compositrice indépendante.

Officiant dans son studio personnel depuis 2008, Bérangère Maximin a développé sa propre approche de l’art sonore et de la musique électroacoustique, composant des pièces denses et immersives à l’impact immédiat. En six albums qui ont suscité un intérêt international, elle a révélé un goût pour le mélange de sons hétérogènes avec un sens du détail et une écriture sonore nuancée et dynamique grâce au matériau numérique. La musique de Bérangère Maximin engage l’auditeur à considérer les espaces et les textures, l’ambivalence des sons fixés sur support et leur totale indépendance de leurs sources.

Prix des professeur.e.s de collège et lycée 2021

Quanta 2. Je tiens la corde - Iroise I. Ar Mor - Quanta 16. Syllogisme final

collège et lycée

Œuvres sélectionnées : Quanta 2. Je tiens la corde, sur des poèmes de Dominique Lambert, pour soprano, violon, violoncelle et piano ; Iroise I. Ar Mor (La mer), traversée pour violoncelle ; Quanta 16. Syllogisme final, sur des poèmes de Dominique Lambert, pour soprano, violon, violoncelle et piano

Note : à la demande du compositeur et afin de respecter l’intention de composition de son album, le Comité de sélection a validé le choix des pièces suivantes qui devront faire l’objet d’une écoute dans l’ordre indiqué.

Durée totale : 10'27

Années de composition : 2016-2019

Création : Quanta : le 5 décembre 2016 aux Folies Bergères à Paris, lors des Grand Prix Sacem. Iroise : Œuvre écrite pour le disque

Interprètes : Quanta : Maya Villanueva (soprano) et l’Ensemble Syntonia ; Iroise : Emmanuelle Bertrand (violoncelle)

Disque : Les Îles

Label : Harmonia Mundi (HMM902667)

Plages : 03 - 05 - 25

Partition : Éditions Musicales Artchipel


Trois fragments, deux œuvres entrelacées, c’est en quelque sorte un chenal traversant l’album Les Îles, lequel pourrait constituer l’œuvre à proprement parler, dédiée à la Bretagne natale et à l’océan maternel.

Benoît Menut est un compositeur de la mesure, même quand il fait appel aux éléments grondants, implacables, inhospitaliers. Sa Bretagne n’est pas un territoire des cauchemars et des catastrophes, mais un pays d’enfance lumineux et gourmand ; sa mer est océanique, son totem le lamantin caraïbe plutôt que le Moby Dick des fins du monde. Au violoncelle seul, Iroise ondule, houle puissante, quelques cris d’oiseaux au-dessus des crêtes d’écume, on pense évidemment à Bach, référence obligée sur pareille embarcation : Ar Mor, sarabande marine.

De part et d’autre, deux des seize Quantas ébauchent au crayon une route de traversée entre énergie et matière – ce qui est le domaine exact de ce terme générateur de la physique contemporaine. Un archipel de granits ronds, doux et salés sous la peau qui rarement s’écorche au tranchant d’un coquillage. Irisation de la voix, miroitement instrumental, l’ensemble sans cesse scintille autour des mots, disposés en haïkus de Finistère occidental avec, ici et là, l’algue moelleuse d’une langue qui emprunterait à la luxuriance créole.

Enracinée dans le patrimoine mais détachée des liens, balançant sur la vague des mélismes, la musique accompagne la marée entre les îles jusqu’à l’étale, intensément lyrique, du Syllogisme final.

Benoît Menut (1977)

« De l’énergie en sons, portée par du sens ». C’est ainsi que Benoît Menut, qui se passionne pour le lien étroit entre musique et mots aime à définir son travail.

Né sur la pointe bretonne, élève au CNR puis au CNSMD de Paris, il se forme en parallèle auprès aux côtés d’Olivier Greif et veille à marier l’exigence d’une écriture lyrique et structurée à une sincère volonté de rester proche du public et des interprètes.

Grand Prix Sacem 2016 de la musique symphonique (catégorie jeune compositeur) et lauréat des fondations Banque Populaire (2008) et Francis et Mica Salabert (2014), il a reçu le prix Nouveau Talent de la SACD 2019 et le Prix Charles Oulmont 2019.

Il poursuit depuis une trajectoire scénique plus prononcée et collabore avec plusieurs ensembles vocaux. Son vaste catalogue embrasse toutes les formes d’expression musicale.

Ses œuvres sont publiées aux Éditions Musicales Artchipel.

Sélection lycée

Twist

Œuvre sélectionnée : Twist, pour orchestre et électronique

Durée : 11'

Année de composition : 2016

Création : le 16 octobre 2016 au Donaueschinger Musiktage à Donaueschingen, par l’Orchestre Symphonique de la SWR, sous la direction d’Alejo Pérez

Interprètes : Orchestre symphonique de la SWR, sous la direction d’Alejo Pérez / Réalisateur en Informatique Musicale : Olivier Meier

CommanditairesIrcam et SWR

Disque : Twist, Edges, Epigram

Label : Kairos (0015042KAI)

Plage : 01 

Partition : Éditions Verlag Neue Musik


C’est comme une porte, métal blindé, on la déverrouille, elle se tord, se déchire et on se prend ça en pleine face !

Une masse sonore, fracassée, condensée, saturée.

Un orchestre symphonique, sans les hautbois – parce que trop classical – avec des saxophones – parce que le free jazz – et des instruments border line – accordéon, clavier Fender Rhodes, guitare électrique.

Le tout passé à la machine électronique, sons fixés, traitement temps réel.

Cela dépasse de loin l’accident industriel, c’est au-delà de la courbure de notre perception, une « catastrophysique » avec supernovas, gravitation, particules élémentaires et matière noire. Qui fait quoi, quoi sonne comment ? On entend tout mais on ne voit rien tellement c’est plein.

Attention : ce n’est pas le chaos, mais l’impression du chaos. Franck Bedrossian n’est pas un agité, il aime l’urgence autant que la virtuosité minutieuse de l’écriture, celle qui scrute la consistance du son pour la saturer dans la zone rouge, celle de l’accident perturbant le processus sonore, celle dont la dramaturgie tient l’ensemble debout et en mouvement. Sans détester le décalage : après le passage d’un trou noir, dans un espace strié de quarks et de bosons, il y a soudain beaucoup de vide, un peu de stabilité, et l’esprit du free jazz, pulsé, grinçant, anachronique. N’allons tout de même pas croire que c’est ce jazz-là qui fait le Twist du titre… mais bien la torsion – en anglais – de l’orchestre, de son idée même, de son essence diluée dans les infragraves électroniques du point d’orgue final.

Franck Bedrossian (1971)

Après les classes d’écriture, d’orchestration et d’analyse au CNR de Paris, il étudie la composition auprès d’Allain Gaussin et entre au CNSMD de Paris. En 2001-2002, il suit le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam. Il a enseigné la composition musicale à l’Université de Berkeley (États-Unis) de 2008 à 2019, puis à la Kunstuniversität Graz (Autriche) à partir de 2020. Il a été pensionnaire de la Villa Médicis (2006-2008) et nommé Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en 2011.

Sa musique déploie une intensité dramatique avec force et raffinement. L’invention des matières sonores et la densité expressive de son écriture sculptent une forme musicale riche d’ambiguïtés et d’illusions acoustiques. Franck Bedrossian travaille sur des sons bruts, saturés, et sur l’idée de transition, de transformation et de modelage de la pâte sonore. Les rôles du geste et de la dimension physique dans sa musique sont très importants. Il est inspiré par la musique de tradition orale et par tous les courants musicaux du XXème siècle, notamment le jazz et le rock pour leur approche physique et l’émission naturelle de la voix.

Ses œuvres sont publiées par les Éditions Billaudot, Verlag Neue Musik et Maison ONA.

Invocations

Œuvre sélectionnée : Invocations, d’après des papyrus magiques de l’Égypte hellénique, pour 6 voix et 2 percussionnistes

Durée : 8'35

Année de composition : 2016

Création : le 10 décembre 2017 au Festival Manca à Nice, par Musicatreize, sous la direction Roland Hayrabedian

Interprètes : Musicatreize, sous la direction de Roland Hayrabedian

CommanditaireCIRM

Avec le soutien de : MFA, FCM

Disque : Pluie d'or

Label : L'empreinte digitale (ED13257)

Plage : 09

Partition : Inédite


Ni syntaxe ni poésie dans ces Invocations, mais des sons, les sept voyelles grecques chantées comme des formules de magie mystique ayant traversé les âges. Sept qui sont liées au temps – les jours de la semaine –, à l’espace – les sept planètes alors connues, dont le Soleil –, aux sons de la lyre à sept cordes, à la musique des sphères, aux chakras hindous…

On devine combien François-Bernard Mâche, compositeur de la nature sonore, agrégé de lettres classiques, diplômé d’archéologie grecque et d’histoire de l’art antique, s’est senti chez lui dans les fondations profondes de notre culture, en musicien magicien des timbres travaillant le matériau vocal comme le nuancier d’une pluie d’or.

Deux crescendos semblent traverser chacun le temps et l’espace. L’un serait une ascension, quand l’astre monte sur l’horizon après la nuit et que l’énergie vibrante du jour, propulsée par les percussions, agite le réveil des multitudes vivantes, jusqu’à ce chant indéchiffrable où l’on croirait cependant entendre la formulation d’une prière.

L’autre une expansion ; aux voix seules, elle vient du tréfonds des graves dans la gorge des hommes, elle tourne et s’amplifie dans un espace si vaste qu’il en paraît immobile, jusqu’aux aigus jaillis des bouches ouvertes, dans un état de lumière ébloui par les cymbales.

Comme la musique d’un texte supérieur qui aurait encore du sens aujourd’hui, surtout aujourd’hui, à la recherche, écrit le compositeur, « d’une harmonie entre l’homme et l’univers » : la fusion des infinis du vivant et du cosmos.

François-Bernard Mâche (1935)

François-Bernard Mâche a, durant toute sa vie, mené parallèlement deux carrières : universitaire et musicale. Après une première formation musicale, il est reçu en 1955 au concours de l’École Normale Supérieure dans la section des Lettres où il continue son double parcours. Il participe à la création du Groupe de Recherche Musicale (GRM) en 1958 avec Pierre Schaeffer, et remporte un Prix en Philosophie de la musique dans la classe d’Olivier Messiaen au CNSMD de Paris.

Parallèlement à une intense activité d’écrivain, il poursuit une carrière internationale de compositeur. Explorant les modèles linguistiques, il a transposé instrumentalement dès 1959 la structure phonétique de poèmes antiques grecs. Il a aussi fait œuvre de pionnier avec son usage de l’analyse par sonogrammes pour élaborer une écriture instrumentale, préfigurant l’école dite « spectrale ». Son écriture fait souvent fusionner des sons bruts enregistrés avec une écriture instrumentale.

Il est membre depuis 2002 de l’Académie des Beaux-Arts / Institut de France où il a succédé à Iannis Xenakis. Il a reçu un grand nombre de prix et a été nommé Officier de la Légion d’honneur, Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques et Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Peephole Metaphysics

Œuvre sélectionnée : Peephole Metaphysics, sur des poèmes de Lisa Samuels, pour mezzo-soprano, clarinette basse, saxophone ténor, bugle, percussions, accordéon, mandoloncelle, guitare, harpe, violoncelle et contrebasse

Durée : 12'

Année de composition : 2014

Création : le 18 octobre 2014 à la Maison de la Radio à Paris, par l’ensemble C Barré, sous la direction de Sébastien Boin

Interprètes : Marie-George Monet (mezzo-soprano), Ensemble C Barré, sous la direction de Sébastien Boin

Commanditaires C Barré / Radio France

Avec le soutien de : ADAMI, FCM, MFA et la Caisse des Dépôts

Disque : Peephole

Label : L'empreinte digitale (ED13256)

Plages : 02 - 03 - 04 - 05 -06

Partition : Inédite


Que serait Beethoven sans le Quatuor Schuppanzigh ? Boulez sans l’Intercontemporain ? Frédéric Pattar tisse des liens de création similaires avec l’ensemble marseillais de Sébastien Boin, C Barré – dont le nom dit moins la mesure à deux temps que la démesure à douze virtuoses qui crochètent la musique dans des franges plutôt ébouriffées. Cordes pincées, dripping des pizz et percus, vents pointillistes ou visqueux, c’est, comme disent les peintres, particulièrement « matiéré » autour d’une mezzo-soprano entendue à la loupe, et du parlé-chanté-bruité des instrumentistes donnant eux-mêmes de la voix.

Avec des outils de ce genre, peu usités, le compositeur a réinventé la roue, démontant et remontant minutieusement la pratique de chacun des instruments. Il a fait de même avec le texte, appuyant sa composition sur une lecture à haute voix par la poétesse elle-même, dont les inflexions, les suspensions, les exclamations structurent la ligne soliste – ici englobée dans les bruits et chuchotements, là portée par le contrepoint du bugle. La poétique de Lisa Samuels s’y trouve comme affûtée – silex des mots, étincelles, où passent des boat people, l’exil, les colonisations… Quoique l’énigme demeure d’un texte difficilement traduisible qui se diffuse cependant à la perfection dans cette musique des interstices.

Traduire le titre, Peephole Metaphysics, serait d’ailleurs en perdre le sel. À moins d’accepter, dans ce « trou de serrure métaphysique », un soupçon de distance ironique…

Frédéric Pattar (1969)

Né à Dijon, Frédéric Pattar étudie d’abord le piano, l’accompagnement, l’écriture et la musique électroacoustique. En 1994, il intègre la classe de composition de Gilbert Amy au CNSMD de Lyon où il obtient son diplôme en 1998. Il termine ses études à l’Ircam où il suit le Cursus de composition et d’informatique musicale en 1999.

Lauréat 2005 de la Fondation André Boucourechliev, il collabore étroitement avec L’Instant Donné pour lequel il écrit de nombreuses pièces.

Frédéric Pattar porte une attention particulière à l’articulation entre musique, texte, électronique et représentation visuelle. Sa musique expose un langage très contrasté : toujours tendue, sans concession mais ne refusant pas un certain lyrisme, elle recèle une véritable intensité dramatique.

Éléments moteurs dans les œuvres de Frédéric Pattar, les flux rythmiques déferlent en vagues successives et viennent chahuter le tissu harmonique, créant des perspectives sonores aussi évidentes qu’inattendues.